L’année 2018 se termine. Que nous a-t-elle réservé de beau au Tchad ?
Pas grand chose, elle aura été bien morose. Que ce soit en sport, en culture ou
en politique nous n’avons pas eu beaucoup d’occasion de nous réjouir. Malgré
cela, il subsiste quelques poches d’espoir pour 2019… et au delà.
Lundi est le dernier jour de l’année
2018. La seule chose qui me vient en tête est « enfin finie » !
Même si le passage à l’année
nouvelle n’est que symbolique, je me dis que symboliquement nous allons oublier
un cru 2018 très morose.
En remontant le calendrier de l’actualité
2018 au Tchad, il n’y a pas eu beaucoup de faits très réjouissants pour le
quidam qui vit à N’Djaména, Moundou, Abéché, Sarh, Faya ou Ati.
Les Sao basket
De temps en temps nos sportifs
(de seconde zone aussi, il faut le reconnaître) nous rapportaient quelques
breloques ou titres de sous compétitions continentales. Ça concourait à flatter
nos petits égos flagorneurs. En 2018, rien. Même Casimir Ninga n’a pas secoué
Facebook ces derniers mois. Les joueurs du Sao basket ont néanmoins pris le
relais du footballeur après une campagne honorable lors des éliminatoires pour
la coupe du monde qui se jouera en 2019 en Chine. Ils sont actuellement 6ième …dans
un groupe de 6. Et il parait que ces sportifs ont représenté le pays dans cette
phase qualificative grâce à des fonds privés. Et le ministère des Sports dans
tout ça ?
Limites artistiques ?
Du côté de la Culture, même son
de cloche. On s’est contenté de produire des niaiseries qui n’ont été distribuées
nulle part, si ce n’est sur les ondes de nos moribondes stations FM, à l’IFT,
au Centre Don Bosco, etc. Notre fameuse « diversité
culturelle » n’inspire pas ceux et celles que l’on qualifie d’artistes.
Terme galvaudé. Il y a le très original Afrotronix qui tire son épingle du jeu.
Avec lui, quelques uns, dont Tony Ives, Lynci ou Sultan, tentent de faire vivre
la musique urbaine tchadienne, mais le public n’accroche pas (pas encore). A
qui la faute ? A leurs propres limites artistiques ou à un manque de
promotion/mécénat qui leur permettrait de passer un cap ?
Immobilisme
Les politiques, fidèles à
eux-mêmes, ont été d’une inefficacité criante. Ceux qui sont en fonction
cherchent à tirer à eux la couverture afin de briller aux yeux du Président de
la République et ainsi espérer pérenniser leurs strapontins. Les décisions qui
permettraient aux Tchadiens de souffler un tant soi peu sont par contre le
dernier de leurs soucis. Ils sont en représentation. En permanente recherche de
médiatisation. Pour remplir les cases du journal télévisé de Télé Tchad, ils
brasent de l’air et récitent des antiennes creuses et éculées. Si cette clique disparaissait
de la surface du pays, cela ne changerait rien à notre quotidien, car elle ne pilote
pas le Tchad, elle le laisse voguer tel un bateau ivre. Attentisme et
immobilisme sont les adjectifs qui qualifient le mieux notre vie politique. La
même dialectique vaut pour ceux qui attendent dans l’antichambre du
gouvernement (car c’est la finalité) et ceux de l’opposition.
Si on remplaçait le nom France par
Tchad dans cet extrait d’Hexagone, écrit et chanté par l’anarchiste Renaud
Sechan, serions-nous dans le vrai ?
« Ils s’embrassent au mois
de janvier car une nouvelle année commence,
Mais depuis des éternités elle n’a
pas vraiment changé la France.
Passent des jours et des
semaines, y a que le décore qui évolue.
La mentalité est la même, tous
des tocards, tous des faux-culs. »
Il y a deux mondes
Quand je dis que tout est morose,
j’exagère. Dans ce spleen ambiant, il y a quand même des lueurs d’espoir. La
motivation et l’énergie de certaines personnes pour développer des idées
novatrices, monter des start-up dans tous les domaines tout en essayant de se
frayer un chemin vers l’autonomie financière constatés dans certains milieux de
N’Djaména, donne beaucoup d’espoir. Ce mouvement d’autoentrepreneurs, certes
encore très brouillon, sans réelle ligne directrice et disparate, gagne de plus
en plus les millennials. Une génération bénie car elle a grandi avec les
technologies les plus adaptées à ses besoins, les mieux pensés pour qu’une
personne puisse s’épanouir socialement, économiquement et idéologiquement. Ses
ainés n’ont jamais connu ces leviers économiques impressionnants. Ses benjamins
connaîtront sans doute un outil qui sera édulcorée de son essence ‘‘libertaire’’
tôt ou tard. Ce Tchad là turbine de toute ses forces pour se faire une place
dans l’écosystème mondial en cherchant à se mettre à niveau par rapport à ses
voisins, qui vivent dans le ‘’village global’’, thèse développée en 1967 par l’économiste
Marshall McLuhan et qui prévoyait la mondialisation économique, technologique
et médiatique. Ce Tchad de tous les possibles se trouve opposé à un Tchad
traditionnel, replié sur lui (régionaliste, ethniciste, voire même clanique),
replié sur ces méthodes de gouvernance économique et sociale qui ont fait leur
temps et qui ont montré leurs limites. C’est ce que j’appelle le Tchad de l’ancien
monde.
Loin de moi l’idée d’opposé ces
deux approches, même si je penche pour l’un, plutôt que pour l’autre. Il n’y a
dans mon cheminement intellectuel aucun manichéisme, juste un constat. Celui d’un
Tchad qui a les ouvert, qui sait, qui veut mais ne peut pas grand chose faute
de structures et de moyens financiers. Car il est encore balbutiant. Et d’un
Tchad qui peut tout, mais est engoncé dans un système de corruption et de clientélisme
duquel il ne peut se départir, de peur de voir sa mécanique de fonctionnement
voler en éclat. Rapprocher ces deux Tchad serait-il une bonne idée ? Oui
et non ?
Oui car aucun changement notoire
ne peut se faire sans les pouvoirs publics, qui décident des politiques et des
règlements. Le gouvernement doit tenir compte de ce frétillement économique
naissant (formel ou informel) lui donner un cadre légal pour qu’il se
développe. La machine administrative occupera alors un rôle de régulateur,
percevra ses impôts et se chargera de ses devoirs régaliens. Cette approche
libertarienne, le moins d’Etat possible dans les affaires économiques, est, au
passage, soutenue par les géants de la Silicone valley. Un exemple à suivre ?
Une question qui mérite débat.
Non car si on laisse trop de place
à la machine administrative dans cet écosystème, elle le biaiserait par ses
vielles méthodes, sa corruption et sa pression fiscale.
Le Giga à 1 500 francs
Si je concluais ce billet sans
parler de la baisse du prix d’Internet j’aurais été impardonnable. Fin octobre,
Airtel, l’un des deux opérateurs de téléphonie, a décidé de passer de 12 000
francs à 1 500 francs pour 1 Giga. Une véritable révolution. Une sorte d’aumône
pour toute la population. Internet, comme je l’écrivais plus haut, est un
levier économique sans pareil. Certaines personnes se sont plaint que c’est
encore trop cher. Ils ont peut être raison. Mais c’es déjà pas mal.
La question que je me pose par
contre est : ‘’S’ils peuvent se permettre de vendre le Giga de connexion à
1 500 francs aujourd’hui, pourquoi l’ont-ils vendu depuis toutes ces années à
12 000 francs ?’’
Tchadiens, je ne vous souhaite
pas une bonne année 2019. Mais plutôt beaucoup de courage pour 2019.
Chérif Adoudou Artine, leader numérique autoproclamé